20111006 "Le G20, ce nouveau directoire mondial...."

, par attac87

[Analyse d’ ATTAC FRANCE / 27.09.2011]

>>>>>>>>>> "Les États les plus riches de la planète se sont dotés d’un nouvel instrument pour diriger le monde. Auto-proclamé, il est illégitime, n’atteint pas les objectifs qu’il s’est fixés et a été incapable de répondre à la crise.

Le G20 a été créé en décembre 1999 suite aux crises financières qui frappaient les économies asiatiques depuis 1997, mais également la Russie et l’Argentine. Son objectif était alors de constituer un espace de concertation entre les pays industrialisés du G7, douze pays émergents1 et l’Union européenne afin d’aborder les questions de stabilité économique et financière mondiale.

D’une réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales, le G20 s’est transformé en novembre 2008 en rencontre de chefs d’État ou de gouvernement, auxquels s’ajoutent le président du Conseil européen et celui de la BCE. Les responsables des principales institutions internationales – Nations unies, FMI, Banque mondiale, etc. – sont également invités.

Bien que ne réunissant que 19 États (+ l’UE) sur les 194 représentés à l’ONU, cette instance, dénuée de personnalité juridique, entend pourtant dicter la marche du monde. Nicolas Sarkozy, qui la préside en 2011, l’entend bien ainsi : « le G20 est mondial. Donc, c’est le lieu, où il faut agir. »

Sa présidence a pour vocation de promouvoir un « nouvel ordre économique et financier fondé sur des principes de régulation, de transparence, et de responsabilité », en « capitalisant sur les succès passés ». Or, les sommets de Washington, Londres, Pittsburgh ou Séoul ont bien montré la détermination de ses membres à persister dans la voie qui a précisément conduit à la crise mondiale, qui connaît aujourd’hui une aggravation dramatique. Alors que les grandes puissances démantèlent toutes les solidarités pour satisfaire les marchés financiers, les peuples quant à eux, confrontés à une crise sociale sans précédent depuis un siècle, n’ont rien à espérer du G20.

Face au krach qui vient

Les sommets du G20, qui se sont succédé depuis l’extension de la crise en 2008 nous promettaient de remettre de l’ordre dans la finance mondiale. Des réformes importantes étaient annoncées dans des domaines clés comme les banques « trop grandes pour faire faillite », les paradis fiscaux, les fonds spéculatifs, les agences de notation, les produits dérivés… La montagne a accouché d’une souris. La preuve ? La spéculation a repris de plus belle dès 2009 en s’attaquant tour à tour aux matières premières, aux dettes souveraines des pays de la zone euro et aux banques.

Le nouvel épisode de la crise de l’été 2011 montre l’échec total du G20 et les contradictions mortifères des politiques néolibérales. La crise des dettes publiques, qui s’était concentrée sur la zone euro, s’est étendue aux États-Unis où l’administration Obama est paralysée par une majorité républicaine ultra-libérale au Congrès, qui refuse obstinément toute hausse des impôts des riches. Les pays de la zone euro se croyaient sortis d’affaire à l’issue du sommet du 21 juillet 2011. Sous prétexte de venir en aide aux pays en difficulté – en réalité pour aider les banques créancières de ces pays –, ils avaient doté de moyens supplémentaires (à hauteur de 400 milliards d’euros) le Fonds européen de stabilité financière, présenté par Nicolas Sarkozy comme le nouveau « fonds monétaire européen ». Ils clamaient avoir obtenu des banques créancières qu’elles contribuent « volontairement » à la réduction de la dette de la Grèce à hauteur de 21 %. L’embellie passagère causée par cet accord a rapidement fait place, à partir d’août 2011, à une violente tornade financière qui a vu un effondrement de l’ordre de 50 % des cours boursiers des grandes banques françaises.

D’où vient ce cataclysme qui a foudroyé Société Générale, BNP-Paribas et Crédit Agricole ? De l’échec et des contradictions des politiques néolibérales. L’euro était une construction bancale : une monnaie unique entre pays très différents, sans solidarité financière ni protection contre la spéculation mondiale. La crise financière de 2008 a fait éclater ces contradictions et flamber les dettes publiques. L’approfondissement des politiques d’austérité, qui est la seule arme des gouvernements, a produit les effets dévastateurs économiques et sociaux que nous avions dénoncés : une récession générale en Europe et aux États-Unis s’est enclenchée. Résultat : la Grèce exsangue se dirige vers un défaut de paiement, les marchés s’affolent, et les spéculateurs s’attaquent aux banques européennes qui avaient acheté la dette grecque pour profiter des taux élevés que ce pays était obligé de payer.

Alors qu’ils excellent à imposer la rigueur aux populations, les gouvernements néolibéraux sont impuissants face aux marchés. Ils ont renoncé à les désarmer pour bloquer leur œuvre prédatrice et destructrice. Faute d’avoir voulu réguler la finance quand il était encore temps, le G20 se trouve aujourd’hui face à la perspective d’un nouveau krach financier majeur.

Le G20 de Cannes n’apportera rien

Mis à part les millions d’euros dépensés et des dispositifs sécuritaires disproportionnés, il y a peu à retenir du G8 qui s’est tenu à Deauville les 26 et 27 mai derniers. Cette première grande échéance de la présidence française du G8 et du G20 aura abouti à des décisions sans surprise : derrière un voile de bonnes intentions, elles visent toutes à promouvoir les intérêts économiques des pays du G8, à capter des parts de marché et à resserrer l’étau de l’austérité tout en poursuivant des politiques sécuritaires et guerrières. Elle aura montré que les pays du G8 sont définitivement incapables de présider aux destinées du monde.

La première réunion des ministres en charge de l’agriculture du G20, qui s’est tenue les 22 et 23 juin derniers, a elle aussi renoncé à remédier au désordre alimentaire mondial. Les mesures annoncées s’appuient toutes sur la croyance qu’un marché agricole ouvert est le seul horizon crédible. Aucune d’elles ne pourra enrayer durablement la spéculation des marchés de matières premières et agricoles.

Ce sentiment d’absence de volonté politique face aux marchés s’est confirmé avec la réunion des ministres des finances et banquiers centraux du G7, à Marseille les 9 et 10 septembre. Face à la crise des dettes publiques et sous fond de tensions spéculatives fortes dans la zone euro, les membres du G7 ont un nouvelle fois déclarés être décidés « à apporter une réponse internationale forte et coordonnée pour relever ces défis2 » tout en reconnaissant qu’« il y a désormais des signes clairs de ralentissement de la croissance mondiale ». Après avoir essayé de nous faire croire que la crise était derrière nous, les pays industrialisés font face à la vacuité des mesures mises en œuvre depuis 2008 pour la résoudre. Ils ne peuvent que constater que « les inquiétudes entourant le rythme et l’avenir de la reprise soulignent le besoin d’un effort concerté au niveau international pour soutenir une croissance forte, durable et équilibrée ». Le dogme néolibéral reste bien présent puisque le G7 croit aveuglément que « les politiques monétaires maintiendront la stabilité des prix et continueront à soutenir la reprise économique » alors que le zone euro est au bord du gouffre et que la situation appelle des mesures radicales.

La désunion Europe/États-Unis

La réunion de l’Eurogroupe des 16 et 17 septembre à Wroclaw en Pologne a été le théâtre d’affrontements inédits et inquiétants entre les ministres des finances de la zone euro et le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner. Des désaccords importants sont apparus, montrant que le logique du « chacun pour soi » risque de prédominer. Invité par la présidence polonaise, Timothy Geithner a plaidé pour une politique de relance et un renforcement du Fonds européen de stabilité (FESF). Ce à quoi, Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, a répondu sèchement : « Nous ne discutons pas de l’augmentation de la taille du FESF avec un pays non membre de la zone euro. »

De leur côté, les Européens ont à nouveau mis en avant la taxation des transactions financières (TTF) comme moyen de trouver des fonds supplémentaires, une taxe jugée inenvisageable par Timothy Geithner. Poussée par la France et l’Allemagne, la TTF est encore loin de faire l’unanimité, même en Europe, notamment auprès des Britanniques, inquiets pour l’avenir de la City de Londres.

Les ministres des finances et banquiers centraux des pays du G20 se sont retrouvés à Washington le 22 septembre, en marge des assemblées d’automne du FMI et de la Banque mondiale. Tentant de masquer leurs désaccords, ils ont promis qu’un « plan collectif ambitieux dans lequel chacun aura son rôle à jouer » serait adopté au G20 de Cannes. Avec ce plan, basé sur « des politiques coordonnées incluant à la fois des décisions à court terme et des perspectives à moyen terme », le G20 demande au marchés financiers de bien vouloir patienter, message non retenu puisque tous les marchés mondiaux ouvraient à la baisse dès le lendemain.

Un Sarkozy affaibli, mais prêt à tout

Qu’il est loin le temps où Nicolas Sarkozy espérait profiter du G20 pour redorer son blason. Début 2011, la présidence française du G20 souhaitait à la fois « réformer le système monétaire international, renforcer la régulation financière, lutter contre la volatilité des prix des matières premières, soutenir l’emploi et renforcer la dimension sociale de la mondialisation, lutter contre la corruption, agir pour le développement 3 ».

En pleine crise européenne et avec des marges de manœuvre très limitées, Nicolas Sarkozy en est réduit à espérer jouer le rôle d’arbitre du duel que se livrent les États-Unis et la Chine. Espoir chimérique au vu des tensions actuelles entre l’Europe et les États-Unis. Washington souhaite voir le yuan chinois évoluer à la hausse alors que Pékin demande aux Américains de mettre de l’ordre dans leur finances en cessant d’inonder le monde de dollars. Notre président aura bien du mal à faire en sorte que « le G20 se mette d’accord sur un plan d’action pour la croissance, comprenant des engagements précis et concrets des principales économies 4 ».

Néanmoins, l’équipe élyséenne tente toujours d’avancer sur les priorités affichées. Les négociations avancent peu et le G20 de Cannes risque de se cantonner à la gestion de l’existant, moyennant quelques effets d’annonce et une nouvelle déclaration de bonnes intentions. L’opportunisme de Nicolas Sarkozy lui permettra peut-être de faire avancer une mesure phare comme une mini-taxe sur les transactions financières, à un taux très faible pour ne pas gêner les spéculateurs, et qui serait mise en place par un un groupe de pays « volontaires » pour financer l’aide au développement."

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