20110716 "Que vaut la recherche des économistes du FMI ?"

[8 juillet 2011 / analyse de Christian CHAVAGNEUX / Rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques et Rédacteur en chef de la revue L’Economie politique]

"Après nous avoir expliqué pourquoi les économistes du FMI n’ont pas vu venir la crise financière (par excès de croyance libérale), le Bureau d’évaluation indépendant du FMI vient d’évaluer les pratiques de recherche de l’institution.

Il avance quatre critiques. Dont une dernière, très forte, puisqu’il y est question « d’ajuster » les résultats des travaux aux conclusions souhaitées ex ante.

Le Bureau d’évaluation a passé en revue les travaux de recherche de l’institution : les différentes sortes de notes, Working Papers, World Economic Outlook, Global Financial Stability Report et les études pays, le tout sur la période 1999 – 2008. Ces documents rassemblent beaucoup d’excellents travaux, souvent originaux, et bien informés. Pour autant, ils n’échappent pas à plusieurs critiques.

Première critique : le manque de prise en compte des contextes institutionnels locaux

Les économistes du FMI travaillent avec leur modèle général de l’économie issu de la théorie dominante et ne chercheraient donc pas à comprendre les spécificités de chaque pays.

Deuxième critique : ils fonctionnent de manière insulaire

D’une part, ils ne citent bien souvent que des auteurs et études du FMI, sans s’intéresser aux productions des économistes locaux. D’autre part, ils ne communiquent pas avec les autorités des pays concernés pour choisir les sujets les plus pertinents.

Troisième critique : une approche trop abstraite et mathématisée qui s’avère inutile pour aider à la décision de politique économique

Les exercices de comparaison à partir de grosses bases de données où le Burkina Faso et le Japon représentent deux points sur une même courbe sont jugés non pertinents.

Enfin, dernière critique, la plus forte (page 17). 62 % du staff interrogé pour l’exercice, déclare qu’il vaut mieux que les résultats des analyses avancées soient dans « la ligne » de l’institution

Dans des entretiens réalisés sur place afin de prolonger les réponses au questionnaire, plus de la moitié des économistes sollicités confirment qu’on leur a demandé, ou bien qu’ils connaissent un collègue à qui on demandé « d’ajuster » leurs résultats pour qu’ils soient compatibles avec la ligne du parti. Plus les publications sont médiatisées, plus le degré d’interdiction de points de vue dissidents est élevé (de fait certains documents comme les « Staff Discussion Notes », n’ont pas hésité, surtout depuis 2008 il est vrai, une période hors du champ de l’enquête, à déclarer, notamment, que les contrôles de capitaux peuvent être efficaces, que les régulateurs financiers doivent être proactifs et intrusifs vis-à-vis des banques privées, qu’il faut gérer les coûts humains et sociaux des crises pour éviter les dérives politiques, qu’une taxe sur les transactions financières est possible et une sur les banques souhaitable, etc.). Certains ajoutent que l’auto censure est de ce fait largement pratiquée.

Quand économie rime avec idéologie…"

Retrouvez l’intégralité de l’analyse et ses liens connexes sur l’adresse > http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2011/07/08/que-vaut-la-recherche-des-economistes-du-fmi/