20110704 Amartya SEN : "L’Euro fait tomber l’Europe"

Le Monde.fr / 2 juilet 2011 / Point de vue d’Amartya SEN.

"Economiste, né en 1933 en Inde, Professeur à Harvard, Amartya SEN a été le premier universitaire asiatique à diriger un des collèges de Cambridge. Il a reçu le prix Nobel d’économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, les mécanismes de la pauvreté et la démocratie comme "raisonnement public". Président honoraire d’Oxfam, il a récemment publié "L’Idée de justice" (Flammarion, 2010)"

"Quand, en 1941, Altiero SPINELLI, Eugenio COLORNI et Ernesto ROSSI signèrent le fameux Manifeste de Ventotene, ils appelaient à une "Europe libre et unie".

La déclaration de Milan qui suivit en 1943, fondant le Mouvement fédéraliste européen, réaffirma cet engagement pour une Europe unie et démocratique.

Tout cela s’inscrivait dans le prolongement naturel de la quête démocratique de l’Europe inaugurée par le mouvement européen des Lumières, qui, à son tour, inspira le monde entier.

C’est pourquoi il est très affligeant que l’on soit aussi peu inquiet du danger qui menace aujourd’hui le régime démocratique de l’Europe, lequel se manifeste insidieusement par la priorité accordée aux impératifs financiers.

La tradition du débat public démocratique est sapée par le pouvoir incontrôlé que détiennent les agences de notation qui de facto dictent aux gouvernements démocratiques leurs programmes, souvent avec le soutien d’institutions financières internationales.

Il convient ici de distinguer deux enjeux différents.

Le premier concerne ce que le journaliste et économiste Walter BAGEHOT (1826-1877) et le philosophe John Stuart MILL (1806-1873) considéraient comme la nécessité d’un "gouvernement par le débat". Tant que les gardiens de la finance entretiennent une vision réaliste des actions qui s’imposent, l’espace public démocratique doit leur prêter l’oreille la plus attentive. C’est important !

Mais cela ne signifie pas qu’on doive leur accorder le pouvoir suprême, ni qu’ils puissent dicter leur loi à des gouvernements démocratiquement élus, sans que l’Europe exerce aucune résistance organisée.

Le pouvoir des agences de notation ne peut être contenu et encadré que par des personnalités politiques exerçant un pouvoir exécutif au niveau européen. Or pour l’heure, un tel pouvoir n’existe pas.

Deuxième point, on voit mal en quoi les....................."

La suite et l’intégralité de ce point de vue sur le lien > http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/07/02/l-euro-fait-tomber-l-europe_1543995_3232.html