20110212 Quand les peuples se lèvent : respect !

(Photo : jaystealth1 Flickr)

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Après le peuple tunisien, c’est le peuple égyptien qui s’est levé pour chasser un dictateur corrompu et inféodé. Sa victoire ce vendredi 11 février est celle de tous les peuples du monde en quête de liberté et de justice, qui la célèbrent joyeusement notamment dans les pays arabes. Elle marque un tournant dans l’histoire contemporaine.

Comme toute révolution, la révolution égyptienne a trois composantes. C’est une révolution sociale, nationale et démocratique.

La corruption, les inégalités, la hausse des prix alimentaires ont nourri la composante sociale. Les marchés financiers ont apporté une contribution certes involontaire mais décisive à la chute de Ben Ali et de Moubarak, en déclenchant l’actuelle vague spéculative sur les matières premières agricoles, qui sème l’exaspération dans de nombreuses régions dont l’Afrique du Nord. Le néolibéralisme ne définit nulle part un modèle économique socialement soutenable.

La frustration populaire face à la complicité des régimes avec les Etats-Unis et Israël a fourni la composante nationale. Même si on a peu vu de revendications ouvertement anti-impérialistes ou anti-israéliennes dans les manifestations, l’ancrage populaire du régime égyptien a été très affaibli par des décennies de manne financière nord-américaine et de complaisance affichée pour la politique coloniale d’Israël.

Mais c’est surtout la composante démocratique qui marque l’originalité des révolutions tunisienne et égyptienne. En l’absence de toute réelle opposition structurée, malgré une faible tradition de société civile autonome, les citoyens tunisiens et égyptiens insoumis ont su auto-organiser leur révolution et conquérir pacifiquement une légitimité si indiscutable que les militaires n’ont pas osé tirer. La police des dictateurs a certes tué des centaines de personnes, mais la révolution a su rester non violente. Par l’occupation inlassable de l’espace public, par la participation massive des femmes, par l’appropriation de l’Internet, par l’invention populaire permanente de slogans, d’images, de banderoles, d’affiches, de poèmes, de mots d’ordre, par la grève générale aussi, et malheureusement parfois par des suicides, les peuples sont devenus acteurs de leur vie. Ils ont réfuté l’alternative "dictature militaire ou dictature islamiste" qui satisfaisait tant d’intérêts, de Tel-Aviv à Washington en passant par Paris et Téhéran. "Nous regardions la télévision, maintenant c’est la télévision qui nous regarde", disait hier un manifestant de la place Tahrir.

La liste des dictatures à faire tomber est encore longue - dans le monde arabe et ailleurs - et la série n’est sans doute pas close. Mais chacun sent déjà que rien ne sera plus comme avant. La révolution démocratique a débloqué le noeud géostratégique du Moyen-Orient. La pierre angulaire du dispositif néo-conservateur - l’instrumentalisation facile du terrorisme, de la pseudo "guerre des civilisations", de l’islamophobie... - est gravement fissurée. Le Forum social mondial qui se clôture à Dakar montre la voie : celle de la coopération des peuples et des mouvements sociaux du monde entier pour instaurer partout une société plus juste et plus démocratique, contre les dictatures policière et financière.

Attac France,
Paris, le 12 février 2011